Le Maître de Claude de France est un peintre actif au début du XVIe siècle qui tient son nom de convention de deux manuscrits enluminés pour la reine Claude de France (1499-1524), première épouse de François Ier (1494-1547). C’est en effet à partir d’un Livre de prières (New York, Pierpont Morgan Library) et d’un Livre d’Heures (coll. privée) que l’historien de l’art Charles Sterling [Sterling, 1975] a posé les bases d’un corpus attribué à cet artiste dont l’ampleur s’est étoffée au fil du temps [Wieck, 2014, p. 10].
Des débuts dans l’atelier de Bourdichon
Le Maître de Claude de France a probablement été formé dans l’atelier de Jean Bourdichon (1457-1521) [Wieck, 2014, p. 13].
L’une des premières œuvres à laquelle il participa sont les Heures de Frédéric d’Aragon (Paris, BnF)[Tours 1500, 2012, p. 264], datées vers 1501-1502. Cet ouvrage, destiné au roi de Naples en exil à Tours, fut confiée simultanément à trois artistes probablement afin d’en accélérer l’exécution. Ainsi, Jean Bourdichon, peintre du roi de France, a réalisé les scènes historiées et les encadrements architecturés furent conjointement créés par Giovanni Todeschino, peintre de Frédéric d’Aragon, et par le Maître de Claude de France [Wieck, 2014, p. 34] vraisemblablement recommandé par son maître. Cette expérience auprès de Todeschino lui permit de se confronter et d’apprendre un répertoire italien qu’il réutilisa en abondance dans les oeuvres qui suivirent. C’est à nouveau auprès de Bourdichon qu’il participa aux bordures du Missel de Jacques de Beaune (Paris, BnF, v. 1506-1511) et à celles des Heures de Pierre de Pontbriant (Paris, Bib. Sainte-Geneviève, v. 1510).
Une brillante carrière
Un peu après 1508, le maître de Claude de France réalisa seul la décoration des Heures Hachette (coll. privée), un ouvrage commandé par Anne de Bretagne pour sa fille Claude, alors âgée d’une dizaine d’années [Wieck, 2014, p. 30]. Une fois devenue reine, cette dernière fit à son tour appel au peintre, qui avait récemment quitté l’atelier de Bourdichon. Entre 1515 et 1517 [Wieck, 2014, p. 54], il s’occupa de la mise en images d’un Livre de prières et d’un Livre d’Heures, mais également d’un Livre de petites prières (Modène, Bibliothèque Estense) qui était destiné à la petite sœur de Claude, Renée de France (1510-1574) [Wieck, 2014, p. 39]. L’enlumineur y élabora des marges florales où il sut rendre toute la vitalité et la fraîcheur de la nature à la manière de Bourdichon dans les Grandes Heures d’Anne de Bretagne (Paris, BnF, v. 1504-1508). Le Maître de Claude, qui devait jouir d’une bonne réputation à Tours grâce aux commandes royales, fut sollicité par les hauts dignitaires de la ville. Antoine de La Barre qui fut l’abbé de Saint-Martin en 1518 et archevêque dès 1527 lui commanda plusieurs ouvrages dont un Pontifical (Paris, BnF, v. 1515-1520) qui porte ses armes [Tours 1500, p. 80].
Un style reconnaissable
Le style du Maître de Claude de France se distingue grâce à plusieurs caractéristiques majeures. Sa manière révèle une grande finesse dans les formes et une maîtrise de la représentation de détails minuscules. La représentation de l’architecture et de son vocabulaire ornemental montre sa connaissance de l’art italien, non pas en raison d’un éventuel séjour transalpin, mais plutôt grâce aux contacts qu’il a pu avoir avec des enlumineurs italiens venus à Tours comme Giovanni Todeschino ou le Maître des missels della Rovere [Wieck, 2014, p. 38]. Il emprunte ainsi à Todeschino son emploi particulier de la couleur lilas qu’il applique en dégradé dans les marges (Livre d’Heures de Claude de France) ou pour rehausser le contour des cadres architecturaux. Le maître affectionnait en outre les teintes lumineuses, légères et délicates, privilégiant le mauve, le rouge framboise, le bleu ciel et des verts tendres, une palette qui rappelle celle du peintre Jean Poyer qui fut actif à Tours entre 1465 et 1504. On remarque une dissymétrie dans la conception de ces encadrements où les supports (colonnes ou pilastres) situés sur le bord interne de la page sont légèrement tronqués, les personnages sont petits, aux formes rondes, rappelant pour certains des silhouettes enfantines.
Bibliographie
Chancel-Bardelot Béatrice de, Charron Pascale, Girault Pierre-Gilles, Guillouët Jean-Marie (dir.), Tour 1500, capitale des arts, catalogue de l’exposition du musée des Beaux-Arts de Tours du 17 mars au 17 juin 2012, Paris, Somogy, 2012, p. 263-267.
Sterling Charles, The Master of Claude, a newly defined miniaturist, New York, H. P. Kraus, 1975.
Wieck Roger S., Miracles in miniature, the art of the Master of Claude de France, catalogue de l’exposition du 30 mai au 14 septembre 2014, New York, Morgan Library and Museum, 2014.